Mener à bien un changement: par quoi commencer?

by Arnaud Joubert

Les Leadership Pills sont des articles courts ciblant une problématique liée aux défis rencontrés par les dirigeants d’entreprises. Ces capsules proposent un axe de réflexion, issu de mon expérience de manager et dirigeant pendant plus de 25 ans. Elles sont aussi un call-to-action pour le dirigeant, qui pourra se faire accompagner par des consultants ou executive business coaches professionnels.


Posons le cadre: un dirigeant veut mener à bien un changement important pour sa structure. Dans le jargon des consultants et des coachs, il doit donc adopter une approche de leadership transformationnel.

Dit simplement, en plus de toutes ses autres actions, il va devoir gérer la conduite du changement souhaité, dans toutes les dimensions habituelles d’un tel projet, telles que définition, préparation, communication, exécution, suivi (liste non-exhaustive).

Le sujet de cet article est simple: par quoi commencer?

Selon la culture du pays et de l’entreprise concernée, les réponses enthousiastes que donneraient la plupart des dirigeants que j’ai connus en 25 ans de carrière seraient liées à la création d’une gouvernance pour le projet, ou bien d’un plan minutieux, ou alors d’un séminaire – de préférence “off-site” – ou encore d’une communication initiale. Ils seraient concentrés sur l’action, le démarrage, le kick-off du changement. Ce sont des hommes et des femmes d’action, après tout. Rien de plus normal.

Mais qui commencerait par écouter?

Qui commencerait par prendre de l’information auprès des managers et leaders qui devront être les acteurs-clé du futur changement?

Selon mon expérience, pas grand monde. Or, quand on a été salarié en entreprise pendant de nombreuses années, on sait que les managers et leurs équipes entendent / supposent / craignent / espèrent des choses au sujet de ce changement à venir dont, forcément, certains auront eu vent.

C’est ce qu’on peut appeler une communication souterraine initiale, qui aura généré des réactions / phantasmes / peurs / espérances dans la population de l’entreprise, avant même que le projet de changement n’ait commencé, et souvent à l’insu du dirigeant.

D’où l’importance de sonder le terrain, de faire une carte du territoire, de poser un diagnostic. Bref: d’écouter.

Pourquoi?

Pour éviter de construire les fondations d’une maison sur un terrain marécageux ou de bâtir un grand hôtel sur un vieux cimetière indien, tout simplement.

En effet, la communication souterraine au sujet du changement aura déjà provoqué, à l’insu du dirigeant, des postures et des comportements typiques, qu’on peut ordonner en trois groupes:

  1. La résistance, nourrie par la peur de l’inconnu et l’inertie managériale.
  • Active, elle revêt la forme de l’opposition: le manager, opposé à ce qu’il a perçu du changement à venir au travers de rumeurs et suppositions, va réfléchir et travailler à construire et justifier son opposition au projet. Il ne comprend pas la motivation du changement, et il juge que ce n’est tout simplement pas son boulot d’accompagner ce projet.
  • Passive, la résistance va évoluer vers des stratégies évidentes de contournement et d’évitement.

Dans les deux cas, le manager peut se sentir incompris, démotivé, frustré et va perdre à coup sûr beaucoup de temps et d’énergie dans ces comportements. Et malheureusement, cet effet sera le plus souvent démultiplié pour ses équipes.

2. L’acceptation de surface, provoquée par la peur de l’enjeu et la crainte des conséquences.

  • Active, elle donne lieu à un management autoritaire: le manager impose, dicte des changements à ses équipes, sans beaucoup les consulter ni les impliquer. Il veut paraître impliqué aux yeux du dirigeant, il pense plus au managing-up (gérer ses relations avec son n+1) qu’au leadership de ses équipes.
  • Passive, l’acceptation de surface conduit à la soumission: le manager exécutera les consignes claires et précises qui lui seront finalement imposées, sans les adapter à ses contraintes propres.

Dans ces deux variantes, le manager peut ressentir de la démotivation, de l’aigreur, de la perte de sens, et risque de minimiser les risques et les défis du changement dans son périmètre, au détriment du projet.

3. L’adoption profonde ou l’engagement stratégique, générés par l’envie de mener le changement, de le comprendre et l’adapter au mieux pour ses équipes.

Le manager fera preuve de proactivité et d’adaptabilité, préférant être à la barre du changement plutôt que de le subir. Au niveau stratégique, il fera sien le changement, devenant lui-même un manager transformationnel pour ses équipes. Il s’efforcera de mobiliser des ressources pour mener à bien le changement dans son périmètre.

L’adoption profonde ne signifie pas toujours que le manager espérait ce changement ou le souhaitait, ni qu’il est convaincu par cette orientation stratégique à titre personnel. Il peut avoir une opinion différente, mais va vouloir surfer la vague du changement, être positionné au mieux non seulement pour ajuster et adapter l’exécution du projet pour ses équipes, mais aussi pour pouvoir communiquer clairement sa vision du projet.


Dans cet épisode classique de la vie d’un manager, on retrouve les trois éléments fondamentaux qui forment le credo du leadership que je me suis forgé au fil du temps: “Appréhender la Réalité, Partager sa Vérité, Agir en Intégrité”.

D’une part, le dirigeant devra connaître la réalité du mindset de ses managers, à travers une cartographie de leurs comportements et réactions probables. Le manager relais du dirigeant, proactif, qui aura adopté le changement, sera lui bien placé pour appréhender la réalité du projet, puisqu’il en sera un des acteurs.

Le partage de la vérité, de la vision, viendra en second pour le dirigeant, afin d’aligner le plus possible les objectifs de ses managers avec les siens. Le manager engagé pour le changement pourra de son côté communiquer sa vision à ses équipes dès le départ du projet.

Enfin, grâce à ces deux étapes de préparation, le dirigeant pourra entamer l’exécution du projet en toute intégrité, sur des bases saines. Le manager qui aura embrassé le changement passera rapidement à l’action, de manière collaborative et en toute intégrité, une fois la réalité du projet intégrée et sa vérité communiquée.

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