#2 – Mener à bien un changement: comment bien communiquer un nouvel objectif stratégique à son équipe?

by Arnaud Joubert

Les Leadership Pills sont des articles courts ciblant une problématique liée aux défis rencontrés par les dirigeants d’entreprises. Ces capsules proposent un axe de réflexion, issu de mon expérience de manager et dirigeant pendant plus de 25 ans. Elles sont aussi un call-to-action pour le dirigeant, qui pourra se faire accompagner par des consultants ou executive business coaches professionnels.


Dans la  Leadership Pill  précédente, je présentais les avantages pour un dirigeant de sonder et cartographier les comportements et perspectives de ses managers de première ligne, avant d’entamer des actions concrètes pour mener à bien un changement important dans sa structure.

Je proposais donc de poser un premier diagnostic, d’écouter pour connaître la réalité du mindset des managers clé. L’étape suivante, la première action concrète, dans bien des cas, est celle du partage de la vision du dirigeant à ses ‘direct reports’.

Pourquoi?  Pour sortir le projet des limbes et améliorer la communication souterraine qui a pu s’installer précédemment (cf. la Leadership Pill précédente). 

Comment?  Selon mon expérience, il est souvent crucial de lancer un changement stratégique en communiquant de manière informelle, mais préparée, avec sa première ligne seulement.


La forme:  elle est ici très importante. Je ne recommanderais ni une annonce ou un communiqué rapide, ni un comité ou une réunion de direction officielle. 

En effet, le dirigeant en est au stade de la préparation, et pas de la formalisation d’une quelconque décision. Il veut gagner l’engagement, l’adhésion de ses femmes et hommes clé. Pour cela, il voudra générer une vraie conversation, confidentielle, ouverte et de haut niveau, avec son équipe dirigeante qui doit se sentir à l’aise pour poser des questions et exprimer des préoccupations. La communication doit être bi-directionnelle.

Le cadre de la communication peut être un lieu en dehors des locaux, qui favorisera dans ce cas le recul, éventuellement l’inspiration et la créativité. Dans tous les cas, le lieu doit être privé, informel, et inciter à une réflexion et surtout à un échange riche. Le dirigeant veut du feedback, du challenge, sous forme de questions et commentaires.

Si le dirigeant, en fonction de la culture de sa structure et de la nature du changement, anticipe une crispation et un feedback difficile à obtenir, il peut toujours demander à un manager proche de lui de lancer la discussion en exprimant la première question ou réaction. Cet ‘icebreaker’ arrangé facilite ensuite la conversation pour tout le monde. J’y reviendrai dans la dernière partie de cette capsule.


Le contenu:  dans le cadre suggéré juste avant, le dirigeant devrait tout d’abord expliquer le pourquoi du nouvel objectif, en quoi il est stratégique et désormais une priorité. Cette explication est évidemment une condition nécessaire au ralliement et à l’adhésion des ‘direct reports’.

Le deuxième point du contenu, c’est à mon avis le contexte de la vision partagée: comment elle s’articule avec la mission de l’entreprise et ses valeurs, sa culture. 

Et ce n’est pas un point théorique! J’ai personnellement vécu des annonces de priorités stratégiques qui semblaient complètement hors contexte et déconnectées de la mission et des valeurs de l’entreprise dont j’étais salarié. 

Chez moi comme chez certains collègues, cette déconnexion a créé une interrogation et une incompréhension profondes, qui a débouché sur une remise en question de notre compréhension du ‘purpose’ de l’entreprise, et bien sûr de notre motivation. Pour d’autres collègues, c’est le nouvel objectif stratégique qui était de fait décrédibilisé.

Le troisième aspect du contenu va sans dire: le dirigeant doit formuler l’objectif stratégique avec clarté et concision, sans jargon ni termes ambigus. Vu le haut niveau de l’audience de l’exercice, je recommanderais d’utiliser le langage le plus direct et le plus simple possible, dénué d’artifices de communication corporate. C’est le langage que les top managers et dirigeants ont l’habitude d’employer entre eux, au moins dans les structures où la culture favorise ce genre de communication effective. Dans ces organisations, on peut presque juger de la séniorité d’un cadre en fonction de la clarté et de la simplicité de son langage.

Le quatrième point à aborder, c’est demander explicitement l’engagement personnel des membres de la première ligne. Le nouvel objectif doit devenir le leur. Je pense que le dirigeant doit clairement formuler que c’est maintenant leur job de contribuer à la réalisation de cet objectif. 

Pour y parvenir, il peut recourir aux deux leviers de la motivation et de la responsabilisation:

  • Motiver, en s’engageant à valoriser la contribution personnelle des managers à la réussite du projet.
  • Responsabiliser, en soulignant le risque d’échec du projet sans engagement adéquat de la part des ‘direct reports’.

Enfin, dans ce partage de sa vision, de sa vérité, le dirigeant ne doit pas oublier d’aborder la réalité, à savoir que le changement apportera sa part de défis et écueils potentiels. Évoquer les difficultés majeures à surmonter crédibilisera le projet et laissera transparaître la maturité de la réflexion du dirigeant.

Nul doute que les questions et réactions des managers, si elles sont facilitées,  porteront elles aussi souvent sur les risques induits par le changement. C’est l’objet de la dernière partie de la capsule d’aujourd’hui.


Comment adresser un feedback négatif?

Plus haut, j’ai abordé la nécessité de récolter un premier feedback lors de cette communication initiale à haut niveau, informelle et bi-directionnelle. Il peut arriver que les réactions soient fortement négatives, c’est souvent le cas lors d’un virage stratégique important, d’un ‘downsizing’, d’une fusion ou d’un changement réglementaire impactant, par exemple.

C’est d’ailleurs pour cette raison que certains dirigeants ou top managers préfèrent annoncer le nouvel objectif dans un cadre formel qui laisse peu de place aux réactions et questionnements. Ils évitent ainsi d’avoir à gérer un feu roulant de questions ou commentaires négatifs, au détriment de l’accompagnement de leur équipe dans les premiers instants du changement.

Pour adresser correctement un feedback fortement négatif, le dirigeant doit d’abord anticiper les objections qu’il peut recevoir et préparer une réponse adéquate, qui pourra contenir des clarifications, précisions et informations additionnelles. Il pourra également donner des exemples de réussites de projets similaires.

Il doit aussi faire preuve d’empathie pour reconnaître et accepter les doutes, sentiments et perspectives de ses ‘direct reports’.

Il doit s’efforcer de discerner les raisons derrière les craintes et les oppositions exprimées. Il pourra ainsi mieux adresser les drivers de ces réactions à chaud.

Il est primordial de répondre aux préoccupations les plus fondées, soit immédiatement en présence de l’équipe, soit – encore mieux – en lançant des initiatives d’explorations, de mesures d’impact, de mitigations des risques et d’adaptations de l’objectif stratégique. Ainsi, de manière naturelle et en réponse au feedback reçu, le dirigeant peut impliquer les membres de sa première ligne dans le changement voulu.

Enfin, en maintenant la communication ouverte sur ce sujet, le dirigeant restera disponible pour recueillir tout feedback ultérieur. En effet, l’expérience montre que les réactions à une annonce impactante “à chaud” et “à froid” d’un même individu peuvent varier énormément en seulement un ou deux jours!

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